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Ces 6 derniers mois, l’histoire économique n’a cessé de tourner autour de l’idée de « politique de relance ». Depuis fin 2016, lorsque nous parlons de l’économie mondiale, nous évoquons en fait la forte activité économique et la progression des bénéfices. La confiance s’est renforcée aussi bien dans les marchés développés qu’émergents.

Néanmoins, nous craignons d’avoir tout misé sur des politiques de crédit trop laxistes. La surabondance de liquidités mondiales a par exemple incité la Chine à faire de mauvais placements et a encouragé les dirigeants américains à s’endetter et à racheter des actions plutôt qu’à investir.

La Banque populaire de Chine et la Réserve fédérale américaine s’inquiètent notamment de ces crédits et de la stabilité financière qui en découle. Par ailleurs, le risque de réductions de bilan et des taux d’intérêt augmentent dans les banques centrales chinoises. La zone euro et les États-Unis menacent donc de reprendre les liquidités dans le système mondial et d’arrêter les politiques de relance.

Les crédits voient leur taux d’intérêt augmenter continuellement en fonction du PIB, surtout aux États-Unis et en Chine. Un crédit supplémentaire apporte de moins en moins de bénéfices. L’essentiel de cette dette a été contractée pour financer la consommation, les structures actuelles (l’immobilier notamment) et refinancer le passif existant. C’est également le cas au Royaume-Uni, où l’épargne est à un taux historiquement bas de 1,7 % du PIB. Alors que les gains réels stagnent ou chutent, le crédit à la consommation augmente de 10 % chaque année.

En Chine, le parti communiste au pouvoir a imposé aux banques des plafonds de prêt et souhaite restreindre les crédits à des sociétés publiques peu performantes et aux gouvernements locaux. Même si ces réformes ont permis de diminuer le nombre de crédits pour produire une unité de PIB de 5,5 à 3,9, le taux reste extrêmement élevé. Selon Citigroup, l’octroi de crédits est aujourd’hui deux fois moins « efficace » pour créer du rendement productif qu’il ne l’était en 2008. En effet, il est 30 % moins efficace qu’aux États-Unis.

Il ne faut pas oublier que les marchés financiers américains distribuent leurs ressources prudemment. Depuis l’effondrement du système de contrôle des capitaux de Bretton Woods, le pays s’est progressivement appuyé sur les crédits et pour pouvoir stimuler la croissance économique, le nombre de crédits requis a doublé depuis 1980. L’indice des conditions financières nationales de la Banque de la réserve fédérale de Chicago montre que depuis 2012 aux États-Unis, il est facile de prendre un crédit sur une période prolongée. Des périodes similaires sont apparues pendant la bulle internet (1995-2001) et la bulle immobilière (2001-2006).

Actuellement, selon Absolute Strategy Research, la dette américaine est concentrée sur des entreprises ayant un ratio élevé d’investissements rapporté au chiffre d’affaires. Ce sont des entreprises qui ont également beaucoup d’employés. Comme toujours, l’argent facile n’est pas seulement un danger pour la stabilité financière, mais surtout pour l’économie réelle dans son ensemble.

 

Pour les banques, il est toujours plus intéressant de garder la croissance des crédits sous contrôle, car elles sont directement concernées. Pourtant, les ratios de la dette croissante en fonction du PIB ont entraîné un laxisme concernant les taux d’intérêt plus élevés. Nous pourrions nous dire qu’une augmentation d’un taux de 1 à 2 % ne représente pas grand-chose, mais pour une entreprise qui doit déjà rembourser un crédit à des taux de 1 %, un tel changement entraînerait une augmentation de 100 % des coûts de financement. Avec un effet de levier croissant, l’activité est relativement plus réduite pour soutenir les frais d’intérêt élevés.

Par conséquent, les banques centrales doivent choisir entre maintenir la stabilité financière et garder une économie réelle forte. Elles font cependant face à un problème : la performance de l’économie mondiale dépend non seulement de l’offre de crédits, mais aussi de l’accélération de la croissance des crédits. En d’autres termes, si le taux de croissance de crédit ralentit trop, le rendement économique et la demande peuvent en pâtir. Pour les Américains, cette situation est problématique, car malgré des conditions financières favorables, l’accélération des crédits a ralenti et les effets sur la croissance et l’inflation vont commencer à se faire ressentir.

La réserve fédérale en particulier se retrouve coincée dans une impasse : elle peut établir des limites sur un marché de crédit inefficace pour le bien de la stabilité financière ou garder ces mêmes lignes de crédits ouvertes à une économie de plus en plus dépendante qui, avec une inflation toujours en dessous de l’objectif, n’est vraisemblablement pas au plein emploi. Il est donc difficile de croire que la réserve fédérale n’examine que la courbe de Phillip sur l’économie réelle pour mener sa politique monétaire.

En attendant, comme la Chine a largement participé à cette période d’accélération des crédits dans le monde depuis 2014, certains experts sont inquiets et pensent que le resserrement du crédit en Chine freinera réellement la croissance mondiale sur les marchés de crédit et le cycle des stocks. C’était sûrement le cas en 2010/2011, quand la Chine a pour la dernière fois restreint le marché du crédit, mais nous avons toutes les raisons de penser que le pays est désormais mieux armé pour encaisser ce resserrement du crédit. Le secteur privé des investissements est venu remplacer les dépenses par les sociétés publiques. Le marché du travail est rude, et la croissance de la consommation privée reste élevée. De plus, les prévisions de la progression des exportations dépendent de la forte reprise économique dans les pays émergents.

Pourtant, tout comme aux États-Unis, la Chine risque de devoir réduire la croissance des crédits trop rapidement. La dette des entreprises étant passée d’un haut niveau de 100 % du PIB en 2008 à 170 % l’année dernière. Réfréner trop fortement les crédits, dans le but d’améliorer l’économie chinoise, pourrait en fait empirer la situation.

En résumé, il ne serait pas exagéré de prétendre que la reprise économique mondiale repose sur des fondations instables. L’activité réelle est opérationnelle. L’indice des directeurs d’achat (l’indice PMI) semble indiquer une amélioration aux États-Unis et dans la zone euro. La confiance du consommateur se rétablit progressivement. Et même si le cycle des stocks s’est tourné vers l’Asie, nous avons de bonnes raisons de penser qu’il ne faudra pas grand-chose pour rectifier le tir. Mais une chose est sûre, si les deux leçons de la crise financière mondiale ont été de réduire le rôle des crédits comme moteur d’activités non productives et l’effet de levier sur le fonctionnement du cycle économique, ces dernières n’ont pas été retenues.